Le nouveau président du Syndicat national des entreprises de sécurité (Snes) est un ancien gendarme devenu responsable de la sûreté et de la sécurité du groupe bancaire LCL. En 2014, il prend le Groupe Etssra, basé à Chambéry (Savoie) qu’il rebaptise Groupe Panthera (chiffre d’affaires : 17 millions d’euros). À 43 ans, Pascal Pech, qui avait fait son entrée au Snes au cours du précédent mandat, vient d’être élu Président pour le mandat 2018/2020. Il a été également président de l’Agora des directeurs de sécurité de 2012 à 2014. À présent, Pascal Pech compte articuler les missions de son mandat autour de trois axes : le développement du capital humain des entreprises de sécurité privée, la défense de ces entreprises et de leurs valeurs, l’accompagnement au changement face aux mutations du secteur.
Le premier axe de votre mandat porte sur développement du capital humain. Pourquoi ce choix ?
Nous exerçons un métier à forte main d’œuvre. Il est donc logique de placer au cœur de nos préoccupations la position des femmes et les hommes qui constituent la profession et représentent la richesse principale de nos entreprises. Dans cet axe, il y a à la fois de la notion de dialogue social, la formation et l’attractivité du métier. L’idée, c’est de remettre le dialogue social à plat ainsi que de proposer aux partenaires sociaux un contrat d’étude prospective avec un cabinet spécialisé sous l’égide du ministère du Travail. Par cette démarche, il s’agit d’accompagner le secteur dans les mutations du secteur. Aujourd’hui, nous manquons de pertinence dans la vision de notre secteur. Du coup, le dialogue social ne s’établit pas sur les bonnes bases. Il faut trouver la vision de ce qui constitue les fondamentaux de la sécurité privée pour aujourd’hui et demain. En effet, notre profession subit de profondes mutations aussi bien économiques et sociales que managériales et technologiques. À partir de ce panorama de l’étude prospective, nous serons mieux en mesure de nous projeter dans l’avenir. Il s’agit, entre autres, d’étudier l’intégration des technologies de l’homme augmenté ou du drone ainsi que de définir une chaîne hiérarchique au sein même des métiers repères.
Concernant le volet de la défense des entreprises de sécurité privée et de leurs valeurs, à quoi faites-vous référence ?
Il s’agit de rétablir des relations équilibrées et constructives entre les entreprises de sécurité privée et les donneurs d’ordres dans un souci de valeur ajoutée de nos prestations. Chez les donneurs d’ordres, les deux parties prenantes sont la direction des achats et la direction de la sécurité. La première a développé une pratique qui consiste à acheter des heures de prestation. Résultat, notre métier est l’un des seuls où l’on en est réduit à vendre un nombre d’heures multiplié par un tarif horaire dans lequel sont noyés nos efforts de formation, nos pratiques sociales, nos investissements en R&D et innovation dans l’appui apporté aux agents… Cela tend à tirer le métier à la baisse. En parallèle, cela prive le donneur d’ordres de bénéficier de notre capacité à être concepteur de solutions de sécurité. Il faut changer de paradigme : passer d’une situation où l’acheteur s’approvisionne en tant d’heures à tel tarif à une démarche où le prestataire propose la valeur ajoutée de son expertise. Mieux vaut être dans une logique de résultat global plus que de moyens.
En clair, vous avez besoin de sortir d’une logique de tarif pour aller vers une démarche de valeur…
Oui mais pour cela il faut développer un dialogue constructif avec les donneurs d’ordres.
Comment comptez-vous vous y prendre ?
Le Snes a déjà enclenché une médiation sous l’égide de la médiation des entreprises au ministère de l’Économie et des Finances. Cette médiation comporte trois groupes de travail : les relations entre prestataires et donneurs d’ordres, les missions de la sécurité privée sous l’angle inter-entreprise et, enfin, la formation et la compétence des agents. Le premier atelier vient de se réunir. Le travail de la médiation va se dérouler pendant plusieurs mois. À l’approche de grands événements comme la Coupe du monde féminine de football de 2019, la Coupe du monde de rugby de 2023 et les JO 2024, il s’agit de positionner dès à présent notre profession comme interlocuteur expert sur la contribution des entreprises de sécurité privée à la sécurité générale dans le contexte antiterroriste. Ce qui revient aussi à poser la question de la place de la sécurité privée dans le continuum de la sécurité du territoire. On voit bien qu’il est nécessaire de réfléchir dès à présent au rôle de la sécurité privé, à sa structuration, à l’intégration de technologies nouvelles afin de pouvoir raisonner en termes de solutions et non pas uniquement en termes d’effectifs.
Vous tenez également, semble-t-il à lutter contre le dumping social et les pratiques déloyales dans votre secteur au travers d’une garantie financière. Qu’entendez-vous par là ?
Dans notre secteur, il y a des pratiques qui consistent à casser les prix au mépris de certaines règles sociales et réglementaires. Cette année, pour la première fois, le Snes et l’Union des entreprises de sécurité privée (USP) ont édité une grille des prix de revient de la profession. Or nous constatons que, dans un nombre important de marchés et majoritairement des marchés publics, les prix pratiqués sont inférieurs au prix de revient…
Dans un contexte de réduction du déficit de la France, quelles sont vos marges de manœuvre ?
C’est aussi l’un des objectifs de la médiation : optimiser les budgets alloués à la sécurité par d’autres moyens que la baisse du tarif horaire des agents. Cela passe, entre autres, par une analyse globale des besoins et une meilleure allocation des moyens. C’est donc dans l’expertise métier que l’on peut rétablir la valeur. À condition de faire évoluer les bases du dialogue.
Dans ce contexte comment va fonctionner la garantie financière que vous appelez de vos vœux ?
Cette garantie sera accordée par un organisme (à créer) de cautionnement mutuel sur la base d’une étude économique, sociale et réglementaire afin de rétablir les bases d’une saine concurrence. Une partie du travail a été faite par le Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps). Mais celui-ci atteint ses limites dans le domaine économique. C’est la raison pour laquelle il nous paraît nécessaire de mettre en œuvre cette garantie financière. La profession réfléchit depuis plusieurs années aux moyens de créer un marché concurrentiel sain. Dans cette perspective, cette garantie serait obligatoire au même titre que celle d’un agent immobilier. Elle se présentera sous la forme d’un cautionnement mutualisé dans le secteur. Et elle serait délivrée après analyse des pratiques fiscales, sociales et réglementaires des sociétés privées de sécurité. Nous voudrions que l’État impose cette garantie financière au titre de la lutte contre le dumping social et les pratiques déloyales en faveur de la création et la pérennisation d’emplois à valeur ajoutée. Ensuite, c’est à notre secteur d’en organiser la mise en œuvre sous forme de cautionnement mutuel afin qu’il soit accessible aux entreprises de toutes tailles. J’espère mettre en œuvre cette garantie durant mon mandat !
Propos recueillis par Erick Haehnsen